Dans un récent courriel, Oxfam Québec invite à « fêter toutes les mamans, sans distinction ». C’est une proposition qu’on ne peut dédaigner étant donné la piètre condition de la femme au niveau international, ce qui a des répercussions dramatiques à tous les niveaux de la société. Toutefois, il convient d’être cohérent et de vraiment bien comprendre le sens de célébrer les mères sans distinction. Cela devrait signifier que quiconque est une mère mérite de voir ses droits de mère reconnus. Pourtant, croire que seulement les mères humaines ont un attachement à leur enfant (et inversement, que seuls les enfants humains ont un attachement à leur mère) est non seulement spéciste, mais carrément contraire au sens commun.
Si on oublie un instant le caractère capitaliste de la fête des mères moderne, pourquoi un tel évènement mérite d’être souligné? C’est que la situation des femmes, des mères et des enfants est particulièrement fragile en ce monde. Non seulement la pauvreté absolue et la précarité économique accablent une bonne partie de l’humanité, mais la maladie (alors que plusieurs d’entre elles sont peu coûteuses à traiter) et la violence sociale et domestique causent des drames sans nom dans de nombreuses familles. Le bilan mondial est qu’un très grand nombre de mères n’ont toujours pas la chance d’élever leurs enfants dans des conditions sécuritaires, saines et propices à l’épanouissement. À cet égard, Oxfam accomplit un travail essentiel, même si le problème devrait être pris beaucoup plus au sérieux par les différents États du monde.
La situation des mères non humaines est semblable, sinon pire, d’autant plus qu’elle est systématiquement ignorée et dénigrée par la population générale — celle-ci étant après tout responsable de cette situation. Et si on s’inquiète de la situation des mères humaines, comment fermer les yeux sur celle des mères non humaines? Il ne devrait y avoir rien de choquant dans cette comparaison : chez plusieurs espèces animales, notamment les espèces sociales vouant beaucoup d’énergie à s’occuper de leurs petits, les mères sont dotées de puissants instincts maternels. Il n’y a rien d’anthropomorphique à admettre qu’il y a une violence dans le fait de priver ces animaux de vivre leur maternité. Il peut y avoir des différences entre la maternité humaine et la maternité non humaine, mais l’importance pour une mère d’élever et de protéger ses enfants, et pour les enfants d’avoir une mère, demeure fondamentale dans les deux cas.
Ces mères non humaines se font très souvent enlever leur enfant à un âge prématuré. Du fait qu’elles sont des femelles, leur destinée est entièrement prédéterminée à produire des bébés; elles sont, en d’autres mots, de simples machines. Dans le cas des vaches et des chèvres, on leur extirpe le lait qui était destiné à leur enfant, comme si elles n’étaient faites que pour donner du lait. On exploite et détourne ainsi les fonctions maternelles biologiques en faisant fi que ces mères ont un bien-être psychologique et un attachement profond pour leur enfant. En réalité, toute l’industrie de l’exploitation animale repose essentiellement sur l’exploitation de la capacité des femelles à enfanter.


En cette journée de la fête des mères comme le reste de l’année, je dédie donc mes pensées à toutes les mères, mais en particulier à ces mères humaines et non humaines qui se voient traitées comme des machines, à toutes celles qui n’ont pas la chance de vivre pleinement leur maternité, à toutes celles qui se font voler leur enfant ou qui n’ont plus la chance de connaitre leur enfant.
Avoir une mère fut l’une des plus belles choses qui me soient arrivé. Je ne voudrais priver personne de cette expérience, si riche et si essentielle pour notre développement.
Le respect de la maternité devra passer par le droit des femmes, le droit des enfants et le droit des animaux. On ne peut réellement respecter la maternité si l’on continue de traiter certaines mères comme des machines ou des esclaves.

Post-scriptum : Pour rappeler la puissance de l’instinct maternel chez certaines espèces animales, One Green Planet montre quelques exemples d’adoption interspécifique, c’est-à-dire de cas où un animal a spontanément adopté un enfant d’une autre espèce.