Tous les ans, en Espagne, la ville de Tordesillas, à 200 km au nord-ouest de Madrid, pratique cette tradition barbare1. Elle est déclarée « d’intérêt touristique » depuis 1980.
Un lynchage d’un autre âge
Pour des centaines de personnes armées de lances acérées, à cheval ou à pied, il s’agit tout d’abord de pourchasser un taureau affolé à travers la ville. Cette année le supplice de Rompesuelas, taureau de 6 ans élevé dans les pâturages du sud de l’Espagne, a duré près d’une demi-heure. Jusqu’à son agonie sous les coups de lance d’hommes en blanc portant un foulard rouge autour du cou.
L’homme qui l’a achevé est reparti vers le village en brandissant la queue sanglante de Rompesuelas, comme un trophée.
Des citoyens dénoncent cette abomination
Parmi la foule composée de milliers de personnes, on dénombrait des centaines de militants opposés à cette « tradition ». Insultes et coups auraient été échangés entre les lyncheurs — qui avaient déployé une grande banderole « J’ai droit à ma fête » — et les défenseurs des animaux.

Un des militants, qui s’était enchaîné à un panneau de signalisation, a failli être touché par la bête en fuite mais s’en est miraculeusement sorti indemne.
Pacma est un parti de défense des animaux qui se mobilise chaque année pour les taureaux. Cette année encore il a dénoncé « l’un des pires exemples de la maltraitance animale ».
Pacma a aussi présenté le 8 septembre dernier une pétition pour l’interdiction de ce «lynchage collectif» : elle a été signée par plus de 120.000 personnes.
D’autres associations poursuivent le même but, entre autres l’association Igualdad Animal (Egalité Animale), dont la directrice a déclaré : «Ces festivités doivent être interdites non seulement parce qu’elles supposent une maltraitante animale mais aussi à cause des valeurs qu’elles véhiculent. Nous vivrons dans une société meilleure lorsque toute cette violence sera derrrière nous».
Le samedi précédant le « Toro de la Vega », plusieurs milliers de personnes avaient manifesté à Madrid et à Tordesillas pour protester, au cri de « No es cultura, es tortura ! » (Ce n’est pas de la culture mais de la torture).


Un Etat espagnol divisé
Chacune des régions espagnoles dispose de sa propre législation relative à la protection des animaux. Dans bon nombres de régions, les taureaux sont exclus de ces lois, comme la région de Castille-et-Leon, où se trouve Tordesillas. Dans d’autres régions, comme la Catalogne ou les Canaries, les traditions inhumaines comme la corrida sont désormais interdites2.
La maltraitance des animaux est donc plus que jamais un thème d’affrontement politique en Espagne.
Plusieurs municipalités, ralliés à la gauche radicale proche du parti Podemos, s’opposent désormais aux sacrifices sanglants de taureaux.
Pacma a remis de son côté un texte au secrétaire général du Parti socialiste Pedro Sanchez, dans l’espoir qu’il oblige le maire socialiste de Tordesillas à interdire le Toro de la Vega.
Depuis, Pedro Sanchez s’est engagé, s’il est le prochain chef du gouvernement, à présenter un projet de loi contre la maltraitance des animaux.

Pedro Sanchez aura fort à faire pour vaincre l’obscurantisme, incarné notamment par le ministre de la Justice, le conservateur Rafael Catala, qui a déclaré il y a peu : « Il s’agit de traditions historiques. (…) Cela fait partie des droits et libertés des citoyens« .
De l’espoir pour l’avenir
Selon un sondage réalisé en 2014 par Ipsos-Mori pour l’association de défense des droits des animaux Humane International, 74% des Espagnols âgés de 16 à 65 ans sont opposés à cette tradition.